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LA RÉVOLUTION


la carrière avant seize ans, souvent à quatorze ans, à treize ans, à onze ans. M. des Écherolles[1], capitaine au régiment de Poitou, avait emmené à l’armée son fils unique, âgé de neuf ans, et une douzaine de petits cousins du même âge : ces enfants se battaient comme de vieux soldats ; l’un d’eux eut la jambe cassée par une balle ; à douze ans, le petit des Écherolles reçut un coup de sabre qui lui trancha la joue depuis l’oreille jusqu’à

    Révolution, reçut à dix-neuf ans un coup de feu qui le rendit aveugle. — L’autre famille émigra, et ses chefs, le comte et le vicomte de Carneville, commandèrent, l’un un corps franc dans l’armée autrichienne, l’autre un régiment de hussards dans l’armée de Condé. Douze officiers de ces deux troupes étaient beaux-frères, neveux, cousins-germains et cousins des deux commandants. Le premier était entré au service à quinze ans, et le second à onze ans. — Cf. les Mémoires du prince de Ligne : « À sept ou huit ans, j’avais déjà entendu une bataille, j’avais été dans une ville assiégée, et, de ma fenêtre, j’avais vu trois sièges. Un peu plus âgé, j’étais entouré de militaires ; d’anciens officiers, retirés de plusieurs services, dans des terres voisines de celles de mon père, entretenaient ma passion. Turenne, disais-je, dormait à dix ans sur l’affût d’un canon… Mon goût pour la guerre était si violent, que je m’étais arrangé avec un capitaine de Royal-Vaisseaux, de garnison à deux lieues de là : si la guerre s’était déclarée, je me sauvais, ignoré du monde entier, excepté de lui, je m’engageais dans sa compagnie et ne voulais devoir ma fortune qu’à des actions de valeur. » — Cf. aussi les Mémoires du maréchal de Saxe. Soldat à douze ans dans la légion saxonne, le mousquet sur l’épaule et marchant avec les autres, il fit les étapes à pied, depuis la Saxe jusqu’à la Flandre, et assista, avant treize ans, à la bataille de Malplaquet.

  1. Alexandrine des Écherolles, Une famille noble sous la Terreur, 2, 5. — Cf. Correspondance de Mlle de Fernig, par Honoré Bonhomme. Les deux sœurs, l’une de seize ans, l’autre de treize ans, déguisées en hommes, combattaient avec leur père dans l’armée de Dumouriez. — On voit ces sentiments de la jeune noblesse jusque dans Berquin et dans Marmontel (Les Rivaux d’eux-mêmes).