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LES GOUVERNANTS


« faire partie de l’assemblée ; pour un rien, on est mis à l’écart ». — Le 13 ventôse, dans la même société, sur 26 examinés, 7 seulement ont été admis. Un citoyen, marchand de tabac, âgé de 68 ans, qui a toujours fait son service, a été rejeté pour avoir appelé le président Monsieur et pour avoir parlé à la tribune tête nue : deux membres, après cela, ont prétendu qu’il ne pouvait être qu’un modéré, et il n’en a pas fallu davantage pour qu’il fût exclu ». — Ceux qui sont maintenus sont les vauriens les plus affichés, les plus remuants, les plus bavards, les plus féroces, et le club, mutilé par lui-même, se réduit à un noyau de charlatans et de chenapans.

À ces éliminations spontanées par lesquelles il se détériore, joignez la pression incessante par laquelle le Comité de Salut public l’effarouche et l’avilit. — Plus le gouvernement révolutionnaire s’appesantit et se concentre, plus les agents qu’il emploie doivent être serviles et sanguinaires. Il frappe à droite et à gauche pour les avertir, il emprisonne ou décapite, dans sa propre clientèle, d’abord les turbulents, les démagogues en second qui s’impatientent de ne pas être les démagogues en premier, les audacieux qui songent à faire un nouveau coup de main dans la rue, Jacques Roux, Vincent, Hébert, Momoro, les meneurs des Cordeliers et de la Commune ; ensuite les indulgents qui voudraient introduire un peu de discernement ou de modération dans la Terreur, Camille Desmoulins, Danton et leurs adhérents ; enfin, quantité d’autres, plus ou moins douteux,