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LES GOUVERNÉS


« le reste au premier venu. Le but de spoliation était rempli ». — Perte sèche pour les particuliers, profit nul ou minime pour l’État, tel est, en fin de compte, le bilan net du gouvernement révolutionnaire. Après avoir mis la main sur les trois cinquièmes des biens fonciers de France, après avoir arraché aux communautés et aux particuliers dix à douze milliards de valeurs mobilières et immobilières, après avoir porté, par les assignats et les mandats territoriaux[1], la dette publique, qui n’était pas de 4 milliards en 1789, à plus de 50 milliards, ne pouvant plus payer ses employés, réduit, pour faire subsister ses armées et pour vivre lui-même, aux contributions forcées qu’il lève sur les peuples conquis, il aboutit à la banqueroute, il répudie les deux tiers de sa dette, et son crédit est si bas que ce dernier tiers consolidé, garanti à nouveau par lui, perd le lendemain 83 pour 100 : entre ses mains, l’État a souffert autant que les particuliers. — De ceux-ci plus de 1 200 000 ont pâti dans leurs personnes : plusieurs millions, tous ceux qui possédaient quelque chose, grands ou petits, ont pâti dans leurs biens[2]. Mais, dans cette multitude d’opprimés, ce sont les notables qui ont été frappés de préférence, et qui, dans leurs biens comme dans leurs personnes, ont le plus pâti.

  1. Eugène Stourm, les Origines du système financier actuel, 53, 79.
  2. Meissner, Voyage à Paris (fin de 1795), 65 : « La classe de ceux qui peuvent avoir gagné réellement à la Révolution… n’est composée que des agioteurs, des entrepreneurs, des fournisseurs de l’armée et de leurs sous-ordres, de quelques agents du gouvernement, des fermiers qu’enrichirent leurs nouvelles acqui-