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LA RÉVOLUTION


prétexte[1] suffisait pour constituer un crime et pour justifier un meurtre. La fille du célèbre peintre Joseph Vernet[2] fut guillotinée, comme « receleuse », pour avoir gardé chez elle cinquante livres de bougie, distribuées aux employés de la Muette par les liquidateurs de la liste civile. Le jeune de Maillé, âgé de seize ans[3], fut guillotiné comme « conspirateur », pour avoir « jeté à la tête de son geôlier un hareng pourri qu’on lui servit ». Mme Puy de Verine fut guillotinée, comme « coupable » de n’avoir pas ôté à son vieux mari aveugle, sourd et en enfance une bourse de jetons à jouer marqués à l’effigie royale. — À défaut de prétexte[4], on supposait une conspiration ; on donnait à des émissaires payés des listes en blanc : ils se chargeaient d’aller dans

    plusieurs autres personnes, la tira du lit et la mit sur une charrette ; quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quatorze autres furent fusillées avec elle. »

  1. Berryat-Saint-Prix, 461. Exemple de ces arrêts : « F (fusillée), 13 germinal, veuve Ménard, soixante-douze ans, vieille aristocrate, n’aimant personne, étant accoutumée à vivre seule. » — Arrêt de la commission de Marseille, 28 germinal, condamnant à mort Cousinéry, « pour avoir continuellement erré, comme fuyant la vengeance populaire qu’il s’était attirée par sa conduite incivique, et pour avoir détesté la Révolution. » — Camille Boursier, 72. 15 floréal an II, exécution de « Gérard, coupable d’avoir dédaigné d’assister à la plantation de l’arbre de la Liberté en la commune de Vouillé, en septembre 1792, et engagé plusieurs officiers municipaux à partager son mépris insolent et liberticide. »
  2. Wallon, Histoire du Tribunal révolutionnaire de Paris, V, 145.
  3. Ib., V, 105 (Déposition de Mme de Maillé) ; — V, 189 (Déposition de Lhuillier). — Cf., pour les mêmes affaires, l’ouvrage de Campardon.
  4. Campardon, II, 189, 190, 193, 197 (Dépositions de Beaulieu, de Duclos, de Tirard et Ducray, etc.).