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LES GOUVERNANTS


physique. — Là-dessus, on voit tout de suite de quels soldats l’armée révolutionnaire est composée.

Naturellement, comme elle se recrute par des enrôlements volontaires et que tous les candidats ont passé par le scrutin épuratoire des clubs, elle ne comprend que des ultrajacobins. Naturellement, comme la solde est de 40 sous par jour, elle ne comprend que des prolétaires. Naturellement, comme la besogne à faire est aussi répugnante qu’atroce, elle ne comprend guère[1] que des artisans désœuvrés, réduits à s’engager pour vivre, « des perruquiers sans clientèle, des laquais sans place, des vagabonds, des misérables incapables de gagner leur vie par un travail honnête », « des tape-dur et tape-dru », qui ont contracté le besoin de rudoyer, d’assommer et de tenir les honnêtes gens sous leurs piques, un ramassis « de gens de sac et de corde », qui, à travers le brigandage public, comptent pratiquer le brigandage privé, les habitués du ruisseau, heureux de pousser dans la boue leurs anciens supérieurs, de prendre eux-mêmes le haut du pavé, de s’y prélasser superbement, de bien prouver par leur arrogance et

  1. On voit, par le rapport de Barère (7 germinal an II), que l’armée révolutionnaire, au lieu de 6000 hommes à Paris, ne fut jamais que de 4000 hommes, ce qui est honorable pour Paris. — Mallet du Pan, II, 52. (Cf. la Révolution, VI, 258, 259.) — Gouvion-Saint-Cyr, I, 137 : « Dans le même temps, les représentants avaient organisé sur les derrières, dans le Haut-Rhin, ce qu’ils appelaient une armée révolutionnaire, composée de déserteurs et de tout ce qu’ils purent trouver de vagabonds et de mauvais sujets, sortis de la lie des Sociétés populaires : elle traînait à sa suite ce qu’elle appelait des juges et une guillotine. » — Hua, Souvenirs d’un avocat, 196.