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LA RÉVOLUTION


il ne s’agit pas de les juger, mais de les tuer, et leur simulacre de procès est un assassinat judiciaire ; pour acte d’accusation, on n’apporte contre eux qu’un commérage de club ; on les accuse d’avoir voulu rétablir la royauté, d’être d’accord avec Pitt et Cobourg[1], d’avoir soulevé la Vendée ; on leur impute la trahison de Dumouriez, le meurtre de Le Peletier, le meurtre de Marat ; et de prétendus témoins, choisis parmi leurs ennemis personnels, viennent répéter comme un thème convenu la même fable mal cousue : rien que des allégations vagues et des contre-vérités palpables ; pas un fait précis, pas une pièce probante : le manque de preuves est tel, qu’on est obligé d’étrangler le procès au plus vite. « Braves b… qui composez le tribunal, écrit Hébert, ne vous amusez donc pas à la moutarde. Faut-il donc tant de cérémonies pour raccourcir des scélérats que le peuple a déjà jugés ? » Surtout, on se garde bien de leur donner la parole ; la logique de Guadet, l’éloquence

  1. Buchez et Roux, XXIX, 432, 437, 447. — Rapport d’Amar (ce rapport servit d’acte d’accusation) : « Lâches satellites du despotisme royal, vils agents des tyrans étrangers, etc. » — Wallon, Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris, II, 407, 409 (Lettre de Fouquier-Tinville à la Convention). « Après les débats particuliers, chaque accusé ne voudra-t-il pas faire une plaidoirie générale ? Ce procès sera donc interminable. D’ailleurs, on se demande pourquoi des témoins ? La Convention, la France entière accuse ceux dont le procès s’instruit : les preuves de leurs crimes sont évidentes ; chacun a dans son âme la conviction qu’ils sont coupables… C’est à la Convention de faire disparaître toutes les formalités qui entravent la marche du tribunal. » Moniteur, XVII, 291 (séance du 28 octobre). Le décret, provoqué par une pétition des Jacobins, est rendu sur la motion d’Osselin, aggravée par Robespierre.