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LA RÉVOLUTION


sans en invalider le principe, ni traiter avec des rebelles, sauf lorsqu’ils se rendent à merci ; par cela seul qu’ils se sont insurgés contre le souverain légitime, ils sont des traîtres et des scélérats. Et quels plus grands scélérats[1] que les faux frères qui, au moment où la secte, après trois ans d’attente et d’efforts, montait enfin au pouvoir, se sont opposés à son avènement ! À Nîmes, Toulouse, Bordeaux, Toulon et Lyon, non seulement ils ont prévenu ou arrêté chez eux le coup de main que la capitale avait subi, mais encore ils ont terrassé les agresseurs, fermé le club, désarmé les énergumènes, arrêté les principaux Maratistes ; bien pis, à Toulon et à Lyon, cinq ou six massacreurs ou promoteurs de massacres, Châlier et Riard, Jassaud, Sylvestre et Lemaille, traduits devant les tribunaux, ont été condamnés et exécutés, après un procès conduit dans toutes les formes. — Voilà le crime inexpiable ; car, dans ce procès, la Montagne est en cause ; les principes de Sylvestre et de Châlier sont les siens ; ce qu’elle a fait à Paris, ils l’ont tenté en province ; s’ils sont coupables, elle l’est aussi ; elle ne peut tolérer leur punition sans consentir à la sienne. Il faut donc qu’elle les proclame héros et martyrs, qu’elle canonise leur mémoire[2], qu’elle venge

  1. Moniteur, XVIII, 474 (Rapport de Billaud-Varennes, 18 octobre 1793) : « Tous les efforts combinés des puissances de l’Europe n’ont point autant compromis la liberté et la patrie que la faction des fédéralistes. L’assassin le plus redoutable est celui qui loge dans la maison. »
  2. De parti pris, la Convention réhabilite les incendiaires et les assassins (Moniteur, XVIII, 483, séance du 28 brumaire an II, et XVII, 176, séance du 19 juillet 1793). Réhabilitation de Bordier et