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LA RÉVOLUTION


sion du danger, l’instinct militant, la faculté de ne compter que sur soi, la volonté de s’aider et de se sauver soi-même. Infailliblement, quand l’anarchie ramène une pareille nation à l’état de nature, les animaux apprivoisés sont mangés par les bêtes féroces. Celles-ci sont lâchées, et tout de suite leur naturel se déclare.

VIII

Si les hommes de la Montagne avaient été des hommes d’État, ou seulement des hommes de sens, ils se seraient montrés humains, sinon par humanité, du moins par intérêt ; car, dans cette France si peu républicaine, ce n’était pas trop de tous les républicains pour fonder la République, et, par leurs principes, leur culture, leur rang social, leur nombre, les Girondins étaient l’élite et la force, la sève et la fleur du parti. — Que la Montagne poursuive à mort les insurgés de la Lozère[1] et de la Vendée, cela se comprend : ils ont arboré le drapeau blanc, ils reçoivent leurs chefs et leurs instructions de Coblentz et de Londres. Mais ni Bordeaux, ni Marseille, ni Lyon ne sont royalistes ou ne s’allient avec l’étranger. « Nous, des rebelles ! écrivent les Lyonnais[2] ; mais on ne voit flotter chez nous que le drapeau tricolore ; la cocarde blanche, symbole de la rébellion, n’a

  1. Ernest Daudet, Histoire des conspirations royalistes dans le Midi (livres II et III).
  2. Guillon de Montléon, I, 313 (Adresse aux gardes nationales requises contre Lyon, 30 juillet) ; I, 40 (Adresse d’un Lyonnais aux soldats patriotes de l’armée de Kellermann).