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LES GOUVERNANTS


des enfants. Malgré les remontrances du tribunal révolutionnaire et les instances du président Phélippes-Tronjolly[1], il signe, le 29 frimaire an II, l’ordre exprès de guillotiner sans jugement vingt-sept personnes, dont sept femmes, parmi elles quatre sœurs, mesdemoiselles de la Métayrie, l’une de vingt-huit ans, l’autre de vingt-sept, la troisième de vingt-six, la dernière de dix-sept. Deux jours auparavant, malgré les remontrances du même tribunal et les instances du même président, il a signé l’ordre exprès de guillotiner vingt-quatre artisans et laboureurs, parmi eux deux garçons de quatorze

  1. Registre du tribunal révolutionnaire de Nantes, copié par M. Chevrier. (M. Chevrier a bien voulu me communiquer cette copie manuscrite.) — Berryat-Saint-Prix, 94. — Archives nationales, F7, 4591 (Extrait des arrêtés du Comité de législation, séance du 5 floréal an III, restitution des biens confisqués d’Alexandre Long à son fils). Dartigoeyte à Auch avait guillotiné sans jugement, comme Carrier à Nantes. « Il résulte des pièces ci-dessus visées que, le 27 germinal an II, entre huit et neuf heures du soir, Alexandre Long père fut mis à mort sur la place publique de la commune d’Auch par l’exécuteur des jugements criminels, sans qu’il fût intervenu aucun jugement contre ledit Long. » — En beaucoup d’endroits, l’exécution devient pour les Jacobins de la ville un spectacle et une partie de plaisir : par exemple à Arras, sur la place des exécutions, on a installé une galerie pour les spectateurs et une buvette où l’on vend des rafraîchissements, et, pendant le supplice de M. de Montgon, on joue le Ça ira sur la grosse caisse (Paris, I, 139, et II, 158). — Tel représentant facétieux se donne des répétitions de la pièce, en petit et à domicile : « Lejeune, pour repaître son imagination sanguinaire, avait fait construire une petite guillotine avec laquelle il coupait le cou à toutes les volailles destinées pour sa table… Souvent, au milieu du repas, il se la faisait apporter et en faisait admirer le jeu à tous ses convives. » (Moniteur, XXIV, 607, séance du 1er juin 1795, lettre du district de Besançon, qui a envoyé, avec sa lettre, la pièce probante) : « Cette guillotine, dit le rapporteur, est déposée au Comité de législation. »