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LA RÉVOLUTION


gués, tenant aussi des branches d’olivier, forment un second corps distinct, le plus gros de tous, et c’est sur eux que se concentrent tous les regards. Car, après eux, il n’y a plus « aucune division de personnes, ni de fonctionnaires », tout est confondu et pêle-mêle, conseil exécutif, municipalité, juges, disséminés au hasard et, en vertu de l’égalité, noyés dans la foule : à chaque station, grâce à leurs insignes, les délégués sont les plus visibles des officiants. À la dernière, celle du Champ de Mars, seuls avec la Convention, ils montent les degrés qui conduisent à l’autel de la patrie ; sur le plus haut gradin, le plus âgé d’entre eux est debout, à côté du président de la Convention debout ; ainsi échelonnés, les sept mille qui enveloppent les sept cent cinquante forment « la véritable Montagne Sainte ». On voit alors, au sommet de l’estrade, le président se tourner vers les quatre-vingt-sept doyens d’âge ; il leur confie l’arche qui contient l’acte constitutionnel et le recensement des votes ; eux, de leur côté, lui remettent leurs piques, qu’il réunit en un seul faisceau, symbole de l’unité et de l’indivisibilité nationales. Là-dessus, de tous les points de l’immense enceinte, une acclamation s’élève ; les canons tirent à salves redoublées ; « on dirait que le ciel et la terre » répondent « pour célébrer la plus grande époque de l’espèce humaine ». — Certainement, les délégués sont hors d’eux-mêmes ; la machine nerveuse, tendue à l’excès, vibre trop fort ; le millénium s’ouvre devant leurs yeux. Déjà, sur la place de la Bastille, plusieurs parlaient à l’univers ; quelques-uns,