ouvre une porte qui y conduit ; mais Lebon, ne connaissant pas les êtres, prend l’alarme. « Il écume, dit l’officier municipal, et s’écrie en énergumène : « Arrête, arrête, scélérat, tu fuis ! » — Il tire son sabre, il me saute au collet ; je suis traîné, porté par lui et par les siens. « Je le tiens, je le tiens ! » s’écriait-il, et, en effet, il me tenait, des dents, des pieds, des mains, comme un enragé. — Enfin : « Scélérat, monstre, b…, me dit-il, es-tu marquis ? — Non, lui répondis-je, je suis sans-culotte. — Eh bien, peuple, vous l’entendez, il dit qu’il est sans-culotte, et voilà comme il accueille une dénonciation sur le maximum ! Je le destitue ; qu’on le f… en prison[1] ! » Certainement, le roi d’Arras et de Cambrai n’est pas loin de la fièvre chaude ; sur de pareils symptômes, on conduirait un particulier dans un asile. — Moins vaniteux, moins heureux de parader dans sa royauté, mais plus farouche et placé à Nantes parmi de plus grands dangers, Carrier, sous l’obsession d’idées plus sombres, a la folie encore plus furibonde et plus continue. Parfois ses accès vont jusqu’à l’hallucination. « Je l’ai vu, dit un témoin, emporté par la chaleur avec laquelle il pérorait à la tribune pour dominer les opinions, je l’ai vu couper les chandelles avec son sabre, » comme si c’étaient des têtes d’aristocrates[2]. Une autre fois, à table, après avoir dit que la France ne peut nourrir sa population trop
Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/345
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
337
LES GOUVERNANTS
la révolution. v.
T. VII. — 22