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LA RÉVOLUTION


tout le vêtement que les siècles lui avaient tissé et dont la civilisation l’avait revêtue, la dernière draperie humaine, tombe à terre ; il ne reste que l’animal primitif, le gorille féroce et lubrique que l’on croyait dompté, mais qui subsiste indéfiniment dans l’homme, et que la dictature, jointe à l’ivresse, ressuscite plus laid qu’aux premiers jours.

VIII

S’il faut l’ivresse pour réveiller la brute, il suffit de la dictature pour éveiller le fou. Chez la plupart des nouveaux souverains, l’équilibre mental est troublé ; entre ce que l’homme était et ce qu’il est, la distance est trop grande ; jadis petit avocat, médecin de bourgade, régent de collège, motionnaire inconnu dans un club local, hier encore il n’était à la Convention qu’un votant parmi sept cent cinquante ; et aujourd’hui le voilà, dans un département, arbitre de toutes les fortunes et

    Saint-Pierre-le-Moutier et Nevers, Laplanche invitait les filles à l’abandon d’elles-mêmes et à l’oubli de la pudeur : « Faites des enfants, disait-il, la République en a besoin ; la continence est la vertu des sots. » — Bibliothèque Nationale, Lb41, no 1802 (Dénonciation, par les six sections de la commune de Dijon, à la Convention nationale, contre Léonard Bourdon et Piochefer Bernard de Saintes pendant leur mission dans la Côte-d’Or). Détails sur les orgies de Bernard avec la municipalité, sur l’ivrognerie et les débauches de Bourdon avec les pires canailles du pays ; pièces authentiques prouvant les vols et assassinats commis par Bernard ; il a pillé la maison de M. Micault ; en quatre heures de temps, il a fait arrêter, juger, guillotiner le propriétaire ; il assistait lui-même au supplice, et le soir même, dans la maison du mort, devant la fille du mort, il a chanté et dansé avec ses acolytes.