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LA RÉVOLUTION


tonnay, le représentant Bourdon de l’Oise boit avec le général Tuncq, devient « frénétique » quand il est gris, et fait saisir dans leur lit, à minuit, des administrateurs patriotes qu’il embrassait la veille. — Presque tous ont, comme celui-ci, le vin mauvais, Carrier à Nantes, Petitjean à Thiers, Duquesnoy à Arras, Cusset à Thionville, Monestier à Tarbes. À Thionville, Cusset « boit comme un Lapithe », et donne, étant ivre, des ordres de « vizir », des ordres qu’on exécute[1]. À Tarbes, Monestier, « après un grand repas, fort échauffé », harangue le tribunal avec emportement, interroge lui-même le prévenu, M. de Lassalles, ancien officier, le fait condamner à mort, signe l’ordre de le guillotiner sur-le-champ, et M. de Lassalles est guillotiné le soir même, à minuit, aux flambeaux. Le lendemain, Monestier dit au président du tribunal : « Eh

    « C’est un autre contre-révolutionnaire. Qu’on les arrête tous ! » — Cf. Souvenirs, par le général Pelleport, 21. À Perpignan, il assiste à la fête de la Raison : « Le général commandant de la place fit un discours impudent jusqu’au plus dégoûtant cynisme. Des courtisanes, bien connues de ce misérable, occupaient une tribune ; elles agitèrent leurs mouchoirs en criant Vive la Raison ! » — Après avoir entendu des harangues du même style prononcées par les représentants Soubrany et Milhaud, Pelleport, quoique mal guéri, revient au camp : « Je ne respirais pas à mon aise en ville, et je ne me croyais en sûreté qu’en face de l’ennemi, avec mes camarades. »

  1. Archives des affaires étrangères, tome 332, correspondance des agents secrets, octobre 1793. « Le citoyen Cusset, représentant du peuple, ne met aucune dignité dans sa mission ; il boit comme un Lapithe, et, dans son ivresse, il fait des actes arbitraires, tout aussi bien qu’un vizir. » — Pour le style et l’orthographe de Cusset, voir une de ses lettres (Dauban, Paris en 1794, 134). — Berryat-Saint-Prix, la Justice révolutionnaire (2e édition), 339.