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LES GOUVERNANTS


Salut public, est maintenant la parole de la France ; c’est ce fabricant de phrases à la douzaine, ce futur mouchard et mouton de l’Empire, cet inventeur badin de la conspiration des perruques blondes, que le gouvernement dépêche à la tribune pour y être l’annonciateur des victoires, le clairon sonnant de l’héroïsme militaire et le proclamateur de la guerre à mort. Le 7 prairial[1], au nom du Comité, Barère propose le retour au droit sauvage : « Il ne sera plus fait aucun prisonnier anglais ni hanovrien » ; le décret est endossé par Carnot, et, à l’unanimité de la Convention, il passe. S’il eût été exécuté, en représailles, et d’après la proportion des prisonniers, il y aurait eu, pour un Anglais fusillé, trois Français pendus : l’honneur et l’humanité disparaissaient des camps ; les hostilités entre chrétiens devenaient des exterminations comme entre nègres. Par bonheur, les soldats français sentent la noblesse de leur métier ; au commandement de fusiller les prisonniers, un brave sergent répond : « Nous ne les fusillerons pas ; envoyez-les à la Convention ; si les représentants trouvent du plaisir à tuer un prisonnier, ils peuvent

  1. Moniteur, XX, 580, 582, 585, 587. — Campagnes de la Révolution française dans les Pyrénées-Orientales, par Fervel, II, 36 et suivantes. — Le général Dugommier, après la prise de Toulon, épargna, malgré les ordres de la Convention, le général anglais O’Hara, fait prisonnier, et reçut du Comité de Salut public la lettre suivante : « Le Comité prend ta victoire et ta blessure en compensation. » — Le 24 novembre, Dugommier, pour ne pas assister aux massacres de Toulon, demande à revenir à la Convention, et on l’envoie à l’armée des Pyrénées-Orientales. — En 1797, il y avait 30 000 prisonniers français en Angleterre.