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LA RÉVOLUTION


et forcé, son esprit ne joue plus qu’à faux, par saccades excessives et brusques ; la continuité logique, l’art, si vulgaire alors, de développer régulièrement un thème, a disparu ; il piétine en place, empilant les aphorismes à effet, les axiomes dogmatiques. Quand il arrive aux faits, il n’y a plus rien dans son discours que des contre-vérités de fait ; les impostures y défilent, sous un jour cru, palpables, aussi effrontées que celles d’un charlatan sur son estrade[1] ; il ne daigne pas même les déguiser par une ombre de vraisemblance ; à l’endroit des Girondins, de Danton, de Fabre d’Églantine et de ses autres adversaires, quels qu’ils soient, anciens ou nouveaux, toute corde de potence lui suffit ; grossière et la première venue, mal ajustée, mal nouée, peu importe, pourvu qu’elle étrangle ; elle est assez bonne pour eux ; conspirateurs avérés, on n’a pas besoin de leur en tisser une plus fine ; avec des commérages de club et un

  1. Notamment son long rapport sur Danton, avec l’historique des factions (Buchez et Roux, XXXII, 76), et son rapport sur la police générale (ib., 304). « Brissot et Ronsin (ont été) reconnus royalistes… Depuis Necker jusqu’aujourd’hui, il a été ourdi un plan de famine… Necker trempait dans la faction d’Orléans ; on avait imaginé pour elle la double représentation (du Tiers). » — Entre autres chefs d’accusation contre Danton : Après la fusillade du Champ de Mars en juillet 1791, « tu pus couler d’heureux jours à Arcis-sur-Aube, si toutefois celui qui conspirait contre la patrie peut être heureux… Quand tu sus que la chute du tyran était bien préparée et inévitable, tu revins à Paris, le 9 août ; tu voulus te coucher dans cette nuit sinistre… La haine, disais-tu, est insupportable à mon cœur ; et (pourtant) tu nous avais dit : Je n’aime point Marat, » etc. — Contre Danton absent, l’apostrophe se prolonge pendant neuf pages consécutives.