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LES GOUVERNANTS


tringue, et la Convention est tenue, non seulement de les subir, mais encore d’y jouer un rôle. — Jamais dans la Rome impériale, même sous Néron et Héliogabale, un sénat n’est descendu si bas.

II

Regardez une de leurs parades, celle du 20, du 22 ou du 30 brumaire ; la mascarade se répète, et plusieurs fois par semaine, uniformément, presque sans variantes. — Une procession de mégères et d’escogriffes arrive aux portes de la salle ; ils sont encore « ivres de l’eau-de-vie qu’ils ont bue dans les calices, après avoir mangé des maquereaux grillés sur des patènes » ; d’ailleurs ils se sont abreuvés en route. « Montés à califourchon sur des ânes qu’ils ont affublés d’une chasuble et qu’ils guident avec une étole », ils se sont arrêtés aux tabagies, tendant un ciboire ; le cabaretier, pinte en main, a versé dedans, et à chaque station ils ont lampé, coup sur coup, leurs trois rasades, en parodie de la messe, qu’ils disent ainsi dans la rue, à leur façon. — Cela fait, ils ont endossé les chapes, les chasubles, les dalmatiques, et sur deux longues lignes, le long des gradins de la Convention, ils défilent. Plusieurs portent, sur des brancards ou dans des corbeilles, les candélabres, les calices, les plats d’or et d’argent, les ostensoirs, les reliquaires ; d’autres tiennent les bannières, les croix et les autres dépouilles ecclésiastiques. Cependant « la musique sonne l’air de la Carmagnole,