Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
LES GOUVERNANTS


et de ses gendarmes[1], et, à l’heure dite, éprouve les émotions prescrites. À cinq heures du matin, « amis, frères, époux, parents, enfants, s’embrassent… Le vieillard, les yeux mouillés par des larmes de joie, sent rajeunir son âme ». À deux heures, sur les estrades en gazon de la sainte montagne, « tout s’émeut, tout s’agite : ici les mères pressent les enfants quelles allaitent ; là, saisissant les plus jeunes de leurs enfants mâles, elles les présentent en hommage à l’Auteur de la nature ; au même instant, et simultanément, les fils, brûlant d’une ardeur guerrière, lèvent leurs épées et les déposent entre les mains de leurs vieux pères. Partageant l’enthousiasme de leurs fils, les vieillards ravis les embrassent et répandent sur eux la bénédiction paternelle… Tous les hommes répandus dans le Champ de la Réunion répéteront en chœur le (premier) refrain… Toutes les femmes répandues dans le Champ de la Réunion répéteront en chœur le (second) refrain… Tous les Français confondront leurs sentiments dans un embrassement fraternel. » Une idylle menée à la baguette devant des symboles moraux et des divinités de carton peint, quoi de plus beau pour le mo-

  1. Buchez et Roux, XXXIII, 151. — Cf. Dauban, Paris en 1794, 386 (estampe) et 392, Fête de l’Être suprême à Sceaux, d’après le programme rédigé par le patriote Palloy : « On invite tous les citoyens à être à leurs fenêtres ou à leurs portes, même ceux qui habitent des corps de logis retirés. » — Ib., 399 : « Les jeunes citoyens jetteront des fleurs à chaque station, les pères embrasseront leurs enfants, les mères élèveront les yeux au ciel. » — Moniteur, XX, 653 : « Plan de la fête de l’Être suprême proposé par David, et décrété par la Convention nationale. »