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LES GOUVERNANTS


venir, quand ses vrais représentants sont gênés par la loi : « Qu’il se réunisse dans ses sections, et vienne nous forcer à mettre en état d’arrestation les députés infidèles[1]. » Rien de plus licite qu’une telle motion, et voilà toute la part que Robespierre a prise au 31 mai. Il est trop scrupuleux pour faire ou commander un acte illégal ; cela est bon pour les Danton, les Marat, pour les hommes de morale relâchée ou de cerveau échauffé, qui, au besoin, marchent dans le ruisseau et retroussent leurs manches jusqu’au coude ; quant à lui, rien ne dérangera ou ne salira ostensiblement son costume d’honnête homme et de parfait citoyen. — Au Comité de Salut public, il ne fait qu’exécuter les décrets de la Convention, et la Convention est toujours libre. Lui dictateur ! Mais il n’est qu’un député entre sept cents autres, et son autorité, s’il en a une, n’est que l’ascendant légitime de la raison et de la vertu[2]. Lui meurtrier ! Mais, s’il a dénoncé des conspirateurs, c’est la Convention qui les a traduits devant le Tribunal révolutionnaire[3], et c’est le Tribunal révolutionnaire qui en a fait justice. Lui terroriste ! Mais, s’il veut simplifier la procédure, c’est pour hâter la délivrance des innocents, la punition des coupables et l’épuration définitive qui mettra pour jamais la liberté et les mœurs à l’ordre du jour[4]. —

  1. La Révolution, VI, 256 (Discours du 3 avril 1792).
  2. Buchez et Roux, XXXIII, 420 (Discours du 8 thermidor).
  3. Ib., XXXII, 71 (Discours contre Danton) : « Qu’avez-vous fait que vous n’ayez fait librement ? »
  4. Ib., XXXIII, 199 et 211 (Discours sur la loi du 22 prairial).