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LA RÉVOLUTION


quand on trompe le peuple, quand on blâme le peuple, quand on se défie du peuple[1], bref quand on ne marche pas droit, au pas prescrit, dans la voie étroite que Robespierre a tracée d’après les principes. Quiconque y choppe ou s’en écarte est un scélérat, un traître. Or, sans compter les royalistes, les Feuillants, les Girondins, les Hébertistes, les Dantonistes et autres déjà décapités ou incarcérés selon leurs mérites, combien de traîtres encore dans la Convention, dans les Comités, parmi les représentants en mission, dans les administrations mal épurées, parmi les tyranneaux subalternes, dans tout le personnel régnant ou influent à Paris et en province ! Hors « une vingtaine de trappistes politiques à la Convention », hors le petit groupe dévoué des Jacobins purs à Paris, hors les rares fidèles épars dans les sociétés populaires des départements, combien de Fouché,

  1. Buchez et Roux, XXXIII, 195. (Rapport de Couthon et décret conforme, 22 prairial an II). « Le Tribunal révolutionnaire est institué pour punir les ennemis du peuple… La peine portée contre tous les délits dont la connaissance appartient au Tribunal révolutionnaire est la mort. Sont réputés ennemis du peuple ceux qui auront trompé le peuple ou les représentants du peuple, pour les induire à des démarches contraires aux intérêts de la liberté, ceux qui auront cherché à inspirer le découragement pour favoriser les entreprises des tyrans ligués contre la République, ceux qui auront répandu de fausses nouvelles pour diviser ou pour troubler le peuple, ceux qui auront cherché à égarer l’opinion et à empêcher l’instruction du peuple, à dépraver les mœurs et à corrompre la conscience publique, à altérer la pureté et l’énergie des principes révolutionnaires et républicains, ou à en arrêter les progrès…, ceux qui, étant chargés de fonctions publiques, en abusent pour servir les ennemis de la Révolution, pour vexer les patriotes, pour opprimer le peuple. »