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LA RÉVOLUTION


« geois et une créature de la maison d’Autriche. Le meilleur ami de Brissot, c’est Clavière, et Clavière a conspiré partout où il a respiré[1]. Rabaut, traître comme un protestant et un philosophe qu’il est, n’a pas été assez habile pour nous cacher sa correspondance avec le courtisan et traître Montesquiou ; il y a six mois qu’ils travaillent ensemble à ouvrir la Savoie et la France aux Piémontais. Servan n’a été nommé général de l’armée des Pyrénées que pour livrer les clefs de la France aux Espagnols. » — « N’avez-vous aucun doute sur tout ce que vous venez de dire ? » — « Aucun. »

Terrible assurance, égale à celle de Marat et d’effet pire ; car la liste des conspirateurs est chez Robespierre bien plus longue que chez Marat. Politique et sociale dans l’esprit de Marat, elle ne comprend que les aristocrates et les riches ; théologique et morale dans l’esprit de Robespierre, elle comprend par surcroît les athées et les malhonnêtes gens, c’est-à-dire presque tout son parti. Dans ce cerveau rétréci, livré à l’abstraction et accoutumé à parquer les hommes en deux catégories sous des étiquettes contraires, quiconque n’est pas avec lui dans le bon compartiment est contre lui dans le mauvais, et, dans le mauvais compartiment, entre les factieux de

  1. Garat, 97. — En 1789 Robespierre assurait à Garat que Necker pillait le trésor et qu’on avait vu les mules chargées d’or par lesquelles il faisait passer des millions à Genève. — Carnot, Mémoires I, 512. Robespierre, disent Carnot et Prieur, « s’occupait fort peu de la chose publique, mais beaucoup du personnel ; il se rendait insupportable par ses perpétuelles défiances, ne voyant que traîtres et conspirateurs. »