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LA RÉVOLUTION


« ma conscience, je suis le plus malheureux des hommes. Je ne jouis pas même des droits du citoyen ; il ne m’est pas même permis de remplir les devoirs de représentant du peuple… Pour moi, dont l’existence paraît aux ennemis de son pays un obstacle à leurs projets odieux, je consens à leur en faire le sacrifice, si leur affreux empire doit durer encore… Qu’ils courent à l’échafaud par la route du crime, et nous par celle de la vertu… Qu’ils me préparent la ciguë ; je l’attendrai sur ces sièges sacrés ; je léguerai au moins à ma patrie l’exemple d’un constant amour pour elle, et aux ennemis de l’humanité l’opprobre de ma mort. »

Naturellement, et toujours comme Marat, il ne voit autour de lui que « des pervers, des intrigants, des traîtres[1] ». — Naturellement, chez lui comme chez Marat, le sens commun est perverti, et, comme Marat, il croit à la volée : « Je n’ai pas besoin de réfléchir, disait-il à Garat, c’est toujours à mes premières impressions que je m’en rapporte. » Pour lui, « les meilleures raisons, ce sont ses soupçons[2] », et contre ses soupçons rien ne prévaut, pas même l’évidence palpable : le 4 septembre 1792, dans un entretien intime avec Pétion, pressé de questions, il finit pas dire : « Eh

  1. Buchez et Roux, XX, 11, 18 (séance des Jacobins, 29 octobre 1792) sur La Fayette, les Feuillants et les Girondins. — XXXI, 360-363 (séance de la Convention, 7 mai 1794), sur La Fayette, les Girondins, les Dantonistes et les Hébertistes. — XXXIII, 427 (Discours du 8 thermidor an II).
  2. Garat, Mémoires, 87, 88.