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LA RÉVOLUTION


gens de sa condition et de son âge, il s’est figuré pour lui-même un rôle analogue, et, afin de sortir de son impasse, il a publié des plaidoyers à effet, concouru pour des prix d’Académie, lu des mémoires devant ses collègues d’Arras. Succès médiocre, une de ses harangues a obtenu une mention dans l’Almanach d’Artois ; l’Académie de Metz ne lui a décerné que le second prix ; l’Académie d’Amiens ne lui a rien décerné du tout ; le critique du Mercure lui a laissé entrevoir que son style sentait la province. — À l’Assemblée nationale, éclipsé par des talents grands et spontanés, il est resté longtemps dans l’ombre, et plus d’une fois, par insistance ou manque de tact, il s’est trouvé ridicule. Sa figure d’avoué, anguleuse et sèche, « sa voix sourde, monotone et rauque, son élocution fatigante[1], » — « son accent artésien », son air contraint, son parti pris de se mettre toujours en avant et de développer des lieux communs, sa volonté visible d’imposer à des gens cultivés et à des auditeurs encore intelligents l’intolérable ennui qu’il leur inflige, il n’y avait pas là de quoi

    (Buchez et Roux, XXXII, 369). — Garat, 85 : « J’espérais qu’en prenant Rousseau pour modèle de son style, la lecture continuelle qu’il en faisait aurait quelque influence heureuse sur son caractère. »

  1. Fiévée, Correspondance (Introduction). Fiévée, qui l’a vu à la tribune des Jacobins, dit de lui : « Il ressemblait à un tailleur de l’ancien régime. » — La Révellière-Lépeaux, Mémoires. — Buchez et Roux, XXXIV, 94. — Malouet, Mémoires, II, 135 (séance du 31 mai 1791, après la lecture de l’adresse de l’abbé Raynal). « C’est la première et la seule fois que j’aie vu Robespierre adroit et même éloquent… Il délaya, selon son usage, ces premières phrases, qui étaient tout l’esprit de son discours et qui, malgré son galimatias accoutumé, produisirent l’effet qu’il en attendait. »