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LA RÉVOLUTION


féliciter des septembriseurs, répondre en style de cocher aux injures des femmes de la rue, vivre de pair à compagnon avec des drôles, des voleurs et des repris de justice, avec Carra, Westermann, Huguenin et Rossignol, avec les scélérats avérés qu’il expédie dans les départements après le 2 septembre. — « Eh ! f… croyez-vous donc qu’on enverra des demoiselles[1] ? » — Il faut des boueux pour travailler dans les boues ; on ne doit pas se boucher le nez quand ils viennent réclamer leur salaire ; on est tenu de les bien payer, de leur dire un mot d’encouragement, de leur laisser les coudées franches. Danton consent à faire la part du feu et s’accommode aux vices ; il n’a pas de scrupules : il laisse gratter et prendre. — Lui-même il a pris, autant pour donner que pour garder, autant pour soutenir son rôle que pour en jouir, quitte à dépenser contre la cour l’argent de la cour, probablement avec un rire intérieur et narquois, avec ce rire qu’on devine chez le paysan en blouse lorsqu’il vient de duper son propriétaire en redingote, avec ce rire que les vieux historiens décrivent chez le Franc lorsqu’il empochait l’or romain pour mieux faire la guerre à Rome. Sur le sauvageon plébéien, la greffe n’a pas pris ;

  1. Buchez et Roux, XXI, 126 (À Maximilien Robespierre et à ses royalistes, brochure par Louvet). — Beugnot, Mémoires, I, 250. « Quand j’arrivai à Paris, député de mon département (à la Législative), Danton me rechercha et voulut m’enrôler dans son parti. Je dînai trois fois chez lui cour du Commerce, et j’en sortais toujours effrayé de ses desseins et de son énergie. Il se contenta de dire de moi à Courtois, son ami et mon collègue : Ton grand Beugnot n’est qu’une dévote, il n’y a rien à faire de lui. »