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LE PROGRAMME JACOBIN


faut qu’il marche escorté de ses coupe-tête. Ils sont tenus d’abuser de leur engin, car l’épouvante s’amortit par l’habitude et a besoin d’être ravivée par des exemples : si le roi nègre ou le pacha veut entretenir la crainte par laquelle il règne, il faut que, de jour en jour, il l’aggrave, qu’il tue trop pour tuer assez, qu’il tue à la minute, sans procès, en tas, indistinctement, presque au hasard, n’importe pour quel délit, sur un soupçon, les innocents avec les coupables. Il se perd, lui et les siens, sitôt qu’il manque à cette règle ; tout Jacobin, comme tout roi nègre ou pacha, est obligé de l’observer, pour devenir et rester le chef de sa bande. — C’est pourquoi les chefs de la secte, ses conducteurs naturels et désignés d’avance, sont des théoriciens capables de saisir son principe et des logiciens capables d’en tirer les conséquences, assez ineptes pour ne pas comprendre que leur entreprise excède leurs forces et toutes les forces humaines, assez avisés pour comprendre que la force brutale est leur unique outil, assez inhumains pour l’appliquer sans scrupule et sans réserve, assez dénaturés pour prodiguer le meurtre afin d’imprimer la terreur.

  la révolution. v.
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