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LE PROGRAMME JACOBIN


des sources troubles et froides, comme l’amour de soi et l’amour-propre, dont le travail réclame sa surveillance, ensuite et à plus forte raison, auprès des sources chaudes et pures, dont la bienfaisance est sans mélange, comme les affections de famille et les amitiés privées, auprès des sources rares et de qualité supérieure, comme la passion du beau, le besoin du vrai, l’esprit d’association, le patriotisme et l’amour de l’humanité, enfin, et à plus forte raison encore, auprès des deux sources sacrées, salutaires entre toutes, auprès de la conscience qui dévoue la volonté à son devoir, auprès de l’honneur qui attache la volonté à son droit. Qu’il empêche d’y toucher et qu’il s’abstienne d’y toucher ; qu’il fasse cela et ne fasse que cela : sa retenue est aussi nécessaire que sa vigilance. Qu’il monte la garde alentour ; et, sous cette garde, il verra se former spontanément, en chaque moment et en chaque lieu, juste au degré dont le moment et le lieu sont susceptibles, les travailleurs les plus laborieux et les plus compétents, l’agriculteur, l’industriel et le négociant, le savant et l’artiste, l’inventeur et le propagateur, le mari et l’épouse, le père et la mère, le patriote, le philanthrope et la sœur de charité.

Au contraire, si, comme nos Jacobins, il tente de confisquer à son profit toutes les forces naturelles, s’il érige en souveraine absolue l’affection dont il est l’objet, s’il entreprend de supprimer les autres passions et les autres intérêts, s’il ne souffre d’autre préoccupation que celle de la communauté et du bien public, s’il veut