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LE PROGRAMME JACOBIN


ponible, quand il favorise ou interdit les substitutions, c’est surtout en vue de quelque avantage politique, économique ou social, pour épurer ou consolider l’union des sexes, pour implanter dans la famille les habitudes de discipline ou les sentiments d’affection, pour inspirer aux enfants l’esprit d’initiative ou l’esprit de concorde, pour préparer à la nation un état-major de chefs naturels ou une armée de petits propriétaires ; et, dans tout cela, il est autorisé par l’assentiment public. Bien plus, et toujours avec l’assentiment public, en sus de sa besogne originelle, il en fait d’autres, et nul ne trouve qu’il usurpe, quand il bat monnaie, quand il prescrit les poids et mesures, quand il établit des quarantaines, quand, moyennant indemnité, il exproprie des particuliers pour cause d’utilité publique, quand il construit des phares, des ports, des digues, des canaux, des routes, quand il défraye des expéditions scientifiques, quand il fonde des musées et des bibliothèques ; parfois même on tolère qu’il entretienne des universités, des écoles, des églises, des théâtres, et, pour justifier la nouvelle saignée qu’il pratique alors sur les bourses particulières, il n’allègue que l’intérêt commun. — Pourquoi ne prendrait-il pas de même à sa charge toute entreprise utile à tous ? Pourquoi, lorsqu’une œuvre est avantageuse à la communauté, hésiterait-il à la commander, et pourquoi, lorsqu’une œuvre est nuisible à la communauté, négligerait-il de l’interdire ? Or, notez que, dans une société humaine, toute action ou omission individuelle, même la plus solitaire et la plus