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LE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


Déclaration des Droits en trente-cinq articles, Acte constitutionnel en cent vingt-quatre articles, principes politiques et institutions de toute espèce, électorales, législatives, exécutives, administratives, judiciaires, financières et militaires[1] ; en trois semaines tout est décrété au pas de course. — Bien entendu, les nouveaux constituants ne se proposent pas de fabriquer un instrument efficace et qui serve ; cela est le moindre de leurs soucis. Hérault de Séchelles, le rapporteur, n’a-t-il pas écrit, le 7 juin, « pour qu’on lui procurât sur-le-champ les lois de Minos, dont il avait un besoin urgent[2], » besoin très urgent, puisqu’il devait livrer la Constitution dans la semaine ? Un pareil trait suffit pour qualifier les ouvriers et l’œuvre : c’est une œuvre de montre et de réclame ; quant aux ouvriers, les uns, politiques avisés, n’ont pas d’autre objet, et veulent fournir au public des mots, non des choses ; les autres, barbouilleurs d’abstractions ou simples badauds, ne savent pas distinguer les choses des mots, et croient faire des lois quand ils alignent des phrases. — Dans cette besogne, nulle difficulté : les phrases sont faites d’avance. « Que les machinateurs de

    Romains, inspirée dans le tranquille asile d’une divinité jalouse de s’entourer d’un religieux silence ? Cette Constitution est-elle digne d’un peuple libre ? Voilà la seule question que doivent examiner les citoyens qui ne portent la livrée d’aucun parti. »

  1. Buchez et Roux, XXVIII, 177 (Rapport de Hérault de Séchelles, 10 juin 1793). — Ib. XXXI, 400 (Texte de la Constitution mise en discussion le 11 juin et achevée le 24 juin).
  2. Sybel, II, 331 (d’après le fac-similé du billet autographe, publié dans la Quarterly Review). Hérault dit qu’il est chargé, avec quatre de ses collègues, « de préparer pour lundi un plan de Constitution ».