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LE PROGRAMME JACOBIN


tages[1] ; nous réduisons la quotité disponible au dixième en ligne directe, et au sixième en ligne collatérale ; nous défendons de rien donner aux personnes dont le revenu excède mille quintaux de blé ; nous établissons l’adoption, « institution admirable » et républicaine par essence, « puisqu’elle amène sans crise la division des grandes propriétés ». Déjà, dans la Législative, un député disait que « l’égalité des droits ne peut se soutenir que par une tendance continuelle vers le rapprochement des fortunes[2] ». Nous avons pourvu à cela dans le présent, et nous y pourvoyons aussi dans l’avenir. Il ne restera rien des énormes excroissances qui suçaient la sève de la plante humaine ; en quelques coups brusques, nous les avons amputées, et la machine lente que nous installons à demeure en

  1. Fenet. Travaux du Code civil (Rapport de Cambacérès sur le premier projet du Code civil, 9 août 1793). — Le rapporteur s’excuse de n’avoir pas ôté au père toute quotité disponible, « Le Comité a cru qu’une telle obligation blesserait trop nos habitudes sans aucun avantage pour la société, sans aucun profit pour la morale. D’ailleurs nous nous sommes assurés que les propriétés seraient toujours divisées. » — Sur les donations entre vifs, « Il répugne à l’idée de bienfaisance que l’on puisse donner à un riche. Il répugne à la nature que l’on puisse faire de pareils dons, lorsqu’on a sous les yeux l’image de la misère et du malheur. Ces considérations attendrissantes nous ont déterminés à arrêter un point fixe, une sorte de maximum qui ne permet pas de donner à ceux qui l’ont atteint. »
  2. Moniteur, XII, 730 (22 juin 1792, discours de M. Lamarque). — Au reste, ce principe est fondamental pour tous les Jacobins. « L’égalité de fait (est) le dernier but de l’art social. » (Condorcet, Tableau des progrès de l’esprit humain, II, 59.) — « Nous voulions, écrit Baudot, appliquer à la politique l’égalité que l’Évangile accorde aux chrétiens. » (Quinet, Révolution française, II, 407.)