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LE PROGRAMME JACOBIN


De toutes les souverainetés, celle que le riche exerce sur les pauvres est la plus pesante. En effet, non seulement, au mépris de l’égalité, il consomme plus que sa part dans le produit du travail commun, et il consomme sans produire, mais encore, au mépris de la liberté, il peut à son gré fixer les salaires, et, au mépris de l’humanité, il les fixe toujours le plus bas qu’il peut. Entre lui et les nécessiteux, il ne se fait jamais que des contrats iniques. Seul détenteur de la terre, du capital et de toutes les choses nécessaires à la vie, il impose ses conditions, que les autres, dépourvus d’avances, sont obligés d’accepter sous peine de mourir de faim ; il exploite, à sa discrétion, des besoins qui ne peuvent attendre, et profite de son monopole pour maintenir les indigents dans l’indigence. — C’est pourquoi, écrit Saint-Just[1], « l’opulence est une infamie ; elle consiste à nourrir moins d’enfants naturels ou adoptifs qu’on n’a de mille livres de revenu ». — « Il ne faut pas, dit Robespierre, que le plus riche des Français ait plus de 3000 livres de rente. » Au delà du strict nécessaire, nulle propriété n’est légitime ; nous avons

    au collège de Lisieux, a été descendue parmi les statues de saints qu’on a retirées de leurs niches. Ainsi, plus de distinction : les saints et les auteurs sont rangés dans la même classe. »

  1. Buchez et Roux, XXXV, 296 (Institutions par Saint-Just). — Meillan, Mémoires, 17. — Anne Plumptre, A Narrative of three years’ residence in France from 1802 to 1805, II, 96. À Marseille, « les deux grands crimes imputés à ceux que l’on destinait à la destruction étaient la richesse et l’aristocratie. Il avait été décrété par les terroristes que nul ne devait avoir plus de 200 francs de rente par an, et qu’on ne tolérerait pas qu’aucun revenu excédât cette somme. »


  la révolution. v.
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