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LA RÉVOLUTION


nous poussons par troupeaux contre l’ennemi[1]. Nous enrôlons ensuite une génération entière, tous les jeunes gens de dix-huit à vingt-cinq ans, presque un million d’hommes[2] ; dix ans de fers pour quiconque manque à l’appel ; il est qualifié de déserteur, ses biens sont confisqués, ses parents sont punis avec lui ; plus tard, il sera assimilé aux émigrés, condamné à mort, ses père, mère, ascendants seront traités en suspects, partant incarcérés et leurs biens séquestrés. — Pour armer, habiller, chausser, équiper nos recrues, il nous faut des ouvriers : nous convoquons au chef-lieu les armuriers, les forgerons, les serruriers, tous les tailleurs, tous les cordonniers du district, « maîtres, apprentis et garçons[3] » ; nous mettons en prison ceux qui ne viennent pas ; nous installons les autres, par escouades, dans les maisons publiques, et nous leur distribuons la tâche ; il leur est interdit de rien fournir aux particuliers ; désormais les cordonniers de France ne fabriqueront plus que pour nous, et chacun d’eux, sous peine d’amende, nous livrera tant de paires de souliers par décade. — Mais le service civil n’est pas moins important que le service militaire, et il est aussi urgent

  1. Rousset, les Volontaires, 234 à 254.
  2. Rapport de Cambon, 3 pluviôse an III, 3 : « Un cinquième de la population active est employé à la défense commune. » — Décrets des 12 mai et 23 août 1793. — Décret du 22 novembre 1793. — Arrêté du Directoire du 18 octobre 1798.
  3. Moniteur, XIX, 631 (Décret du 14 ventôse an II). — Archives nationales, D, § I, 10 (Arrêté des représentants Lacroix, Louchet et Legendre, Pont-Audemer, 14 frimaire an II). — Moniteur, XVIII, 622 (Décret du 18 frimaire an II).