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LA RÉVOLUTION


et nomades ordinaires, pend un commissaire en grains, plante sa tête au bout d’une pique, traîne son cadavre dans les rues, saccage cinq maisons et brûle les meubles d’un officier municipal devant sa propre porte. Là-dessus, la municipalité obéissante relâche les émeutiers arrêtés et baisse d’un sixième le prix du pain. — Au-dessus de la Loire, les dépêches de l’Orne et du Calvados achèvent le tableau. « Notre district, écrit un lieutenant de gendarmerie[1], est en proie à tous les brigandages… Une trentaine de gueux viennent de saccager le château de Dompierre. À chaque instant, il nous survient des réquisitions » auxquelles nous ne pouvons satisfaire, « parce que de toutes parts ce n’est qu’une réclamation générale ». Les détails sont singuliers, et ici, tout habitué que soit le ministre aux méfaits populaires, il ne peut s’empêcher de noter une extorsion d’un genre nouveau. « Les habitants des villages[2] s’attroupent, se rendent aux différents châteaux, s’emparent des femmes et des enfants des propriétaires et les retiennent comme cautions des promesses qu’ils forcent ces derniers à signer du remboursement, non seulement des droits féodaux, mais encore des frais auxquels ces droits peuvent avoir donné lieu, » d’abord sous le propriétaire actuel,

  1. Archives nationales, F7, 3249. Lettre du lieutenant de gendarmerie de Domfront, 23 septembre (avec le procès-verbal du 19 septembre).
  2. Ib., F7, 3249 ; Brouillon de lettre de Roland, 4 octobre, et divers autres. — Lettre des officiers municipaux de Ray, 24 septembre. — Lettre de M. Desdouits, propriétaire, 30 septembre. — Lettre du conseil permanent de L’Aigle, 1er  octobre, etc.