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LA RÉVOLUTION


têtes des administrateurs : l’inspecteur général des rôles a été blessé à coups de hache, et le procureur-syndic du département, M. Verdier, massacré. — Le ministre suit du regard la route de Carcassonne à Bordeaux et, à droite comme à gauche, il trouve des traces de sang. À Castres[1], le bruit s’étant répandu qu’un marchand de blé cherchait à faire hausser le prix des grains, un attroupement s’est formé, et pour sauver le marchand, on l’a mis au corps de garde ; mais les volontaires ont forcé la garde et jeté l’homme par une fenêtre du premier étage ; puis ils l’ont achevé « à coups de bâton et de poids », traîné dans les rues et lancé dans la rivière. — La veille à Clairac[2], M. Lartigue-Langa, prêtre insermenté, poursuivi dans les rues par une troupe d’hommes et de femmes qui voulaient le dépouiller de sa soutane et le promener sur un âne, s’est réfugié à grand peine dans sa maison de campagne ; mais on est allé l’y prendre, on l’a ramené sur la place de la Promenade et on l’a tué. Quelques braves gens qui s’interposaient ont été taxés « d’incivisme » et chargés de coups. Point de répression possible ; le département mande au ministre « qu’en ce moment il serait impolitique de poursuivre l’affaire ». Roland sait cela par expérience, et les lettres qu’il a dans les mains lui montrent que, là-bas comme à Paris, le

  1. Archives nationales, F7, 3271. Lettre des administrateurs du Tarn, 21 juillet.
  2. Ib., F7, 3234. Rapport des officiers municipaux de Clairac, 20 juillet. — Lettre du procureur-syndic de Lot-et-Garonne, 16 septembre.