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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


VI

Entrons dans le cabinet de Roland, ministre de l’intérieur, quinze jours après l’ouverture de la Convention, et supposons qu’un soir il ait voulu contempler, dans le raccourci d’un tableau, l’état du pays qu’il administre. Ses commis ont déposé sur la table la correspondance des dix dernières semaines, rangée par ordre ; en marge, il retrouve l’abrégé de ses propres réponses ; sous ses yeux est une carte de France, et, partant du Midi, il suit du doigt la grande route ordinaire. À chaque étape, il feuillette le dossier correspondant, et, négligeant d’innombrables violences, il relève seulement les grands exploits révolutionnaires[1]. Mme Roland, j’imagine, travaille avec lui, et les deux époux, seuls sous la lampe, réfléchissent en voyant à l’œuvre la bête féroce qu’ils ont lâchée en province comme à Paris.

Ils jettent d’abord les yeux vers l’extrémité méridionale de la France. Là[2], sur le canal des Deux-Mers, à Carcassonne, la populace a saisi trois bateaux de grains, exigé des vivres, puis une diminution sur le prix du blé, puis les fusils et canons de l’entrepôt, puis les

    prisonniers de Paris à la journée du 2 septembre, et qu’il ne leur en coûtait rien de massacrer. »

  1. Des résumés, par ordre de dates ou par ordre de lieux, et semblables à celui qu’on va lire, se rencontrent parfois avec les dossiers. Je n’ai fait ici que la besogne du commis ordinaire, en me conformant aux habitudes méthodiques de Roland.
  2. 17 août 1292 (Moniteur, XIII, 383. Rapport de M. Emmery).