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LA RÉVOLUTION


opère directement par la bande exécutive qu’il conduit ou par la populace ameutée qu’il lance ; tantôt il opère indirectement par l’assemblée électorale qu’il a fait élire ou par la municipalité qui est sa complice. Si les administrations sont jacobines, il gouverne à travers elles ; si elles sont passives, il gouverne à côté d’elles ; si elles sont réfractaires, il les épure[1] ou les casse[2], et, pour les dompter, il va non seulement jusqu’aux coups, mais jusqu’au meurtre[3] et jusqu’au massacre[4]. Entre le massacre et la menace, tous les intermédiaires se rencontrent, et le sceau révolutionnaire s’imprime partout avec des inégalités de relief.

En beaucoup d’endroits, la menace suffit. Dans les contrées où le tempérament est froid et où la résistance est nulle, il est inutile d’employer les voies de fait. À quoi bon tuer, par exemple, dans une ville comme Arras, où, le jour du serment civique, le président du département, très prudent millionnaire, parade dans les rues, bras dessus, bras dessous, avec la mère Duchesne qui vend des galettes dans une cave ; où, le jour des élections, les bourgeois qui votent nomment, par poltronnerie, les candidats du club, sous prétexte qu’il faut envoyer à Paris « les gueux et les scélérats » pour en

  1. Par exemple à Limoges, 16 août. — Cf. Louis Guibert, le Parti girondin dans la Haute-Vienne, 14.
  2. Paris, Histoire de Joseph Lebon, I, 60. Renouvellement de la municipalité d’Arras ; Joseph Lebon est proclamé maire, 16 septembre.
  3. Par exemple à Caen et à Carcassonne.
  4. Par exemple à Toulon.