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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« de mal, du moins vous en avez pensé[1]. » En effet, on le bâtonne sur place en présence de sa famille, et quantité de gens, empoignés comme lui, sont, comme lui, roués de coups à domicile. — Quant aux frais de l’opération, c’est aux malveillants à les supporter ; pour cela, ils sont taxés, chacun selon ses facultés : tel, tanneur ou trafiquant en bestiaux, payera 36 livres ; tel autre, chapelier, 72 livres ; sinon, « on l’exécutera le jour même à neuf heures du soir ». Nul n’est exempt s’il n’est de la bande. De pauvres vieux qui n’ont rien sont contraints de donner leur unique assignat de 5 livres ; chez la « femme d’un travailleur à la terre » dont tout le pécule consiste en 7 sous et demi, on prend les 7 sous et demi, en disant : « Voilà de quoi boire 3 pintons[2] ». Au reste, faute d’argent, on prend en nature ; on fait main basse sur la cave, sur la huche, sur l’armoire, sur la basse-cour ; on mange, on boit, on casse, on s’en donne à cœur joie, non seulement dans la ville, mais dans les villages voisins. Un détachement vient opérer à Brusque si vigoureusement, que le maire et le procureur-syndic se sauvent à travers champs et n’osent rentrer de deux jours[3]. À Versols, chez le curé assermenté, à Lapeyre, chez le vicaire assermenté, tout est saccagé ; l’argent est volé, les tonneaux sont vidés. Chez le curé de Douyre

  1. Déposition de Capdenet, cordonnier.
  2. Dépositions de Marguerite Galzeng, de la femme de Guibal, meunier, de Pierre Canac, etc.
  3. Dépositions de Martin, procureur-syndic de la commune de Brusque, d’Aussel, curé de Versols, de Martial Aussel, vicaire de Lapeyre, etc.