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LA RÉVOLUTION


lages et les proscriptions ont commencé. — Selon l’usage, on s’en prend d’abord aux châteaux et aux monastères, quoiqu’ils soient devenus propriétés nationales, et l’on allègue pour raison, tantôt que l’administration « est trop lente à exécuter les décrets contre les émigrés », tantôt que « le château, placé sur une éminence, pèse aux habitants[1] ». Il n’y a guère de village en France qui ne contienne une quarantaine de mauvais sujets toujours prêts à se garnir les mains, et tel est justement le nombre des coquins qui pillent tout au château de Montauroux, « meubles, denrées, effets et jusqu’à la vaisselle de cave ». Même opération par la même troupe au château de Tournon ; celui de Salernes est brûlé ; celui de Flagose est démoli ; on détruit le canal de Cabris ; ensuite la chartreuse de Montrieux, les châteaux de Grasse, du Canet ; de Régusse, de Brovaz, d’autres encore sont dévastés, et « les dévastations sont journalières ». — Impossible de réprimer ce brigandage rural : le dogme régnant énerve l’autorité aux mains des magistrats, et les clubs, « qui couvrent le département, » ont propagé partout les

    entraient de force dans les maisons des citoyens, brisaient les meubles et pillaient tout ce qui tombait sous leurs mains. Des femmes et des filles éprouvaient des traitements, ignominieux. Les commissaires envoyés par le district et la municipalité pour prêcher la paix furent insultés, menacés. Le pillage fut renouvelé, l’asile du citoyen violé. » — « En tout cas, ajoutent les administrateurs, les progrès de la Constitution deviennent sensibles par l’émigration subite et considérable de ses ennemis. »

  1. Archives nationales, F7, 3272., Lettres des administrateurs du Var, 27 mai 1792. — Lettre du ministre Duranthon, 28 mai. — Lettre de la commission composant le directoire, 31 octobre.