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LA RÉVOLUTION


« peuple ; vous n’avez plus qu’à recueillir son vote,… à le proclamer quand il l’aura émis d’une manière solennelle ». — Non seulement telle est la théorie jacobine, mais encore telle est la théorie officielle. L’Assemblée nationale approuve l’insurrection, reconnaît la Commune, s’efface, abdique autant qu’elle peut, et ne reste en place provisoirement que pour ne pas laisser la place vide. Elle s’abstient de commander, même pour se donner des successeurs ; elle « invite » seulement « le peuple français à former une Convention nationale » ; elle confesse qu’elle « n’a pas le droit de soumettre à des règles impératives l’exercice de la souveraineté » ; elle ne fait « qu’indiquer aux citoyens » le règlement d’élections « auquel elle les engage à se conformer[1] ». — En attendant elle subit toutes les volontés de ce qu’on appelle alors le peuple souverain ; elle n’ose s’opposer à ses crimes ; elle n’intervient auprès des massacreurs que par des prières. — Bien mieux, par la signature ou le contreseing de ses ministres, elle les autorise à recommencer ailleurs : Roland a signé la commission de Fournier à Orléans ; Danton a expédié à toute la France la circulaire de Marat ; le conseil des ministres envoie, pour régénérer les départements, les plus furieux de la Commune et du parti, Chaumette, Fréron, Westermann, Audouin, Huguenin, Momoro, Couthon, Billaud-Varennes[2], d’autres

  1. Décrets des 10 et 11 août 1792.
  2. Prudhomme, n° du 15 septembre, 483. — Mortimer-Ternaux, IV, 430.