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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


l’infection des autres. Dans toute ville ou bourgade, le club est un foyer inflammatoire qui désorganise les parties saines, et chaque centre désorganisé émet au loin ses exemples comme des miasmes[1]. De toutes parts la même fièvre, le même délire et les mêmes convulsions indiquent la présence du même virus, et ce virus est le dogme jacobin : grâce à lui, l’usurpation, le vol, l’assassinat, s’enveloppent de philosophie politique, et les pires attentats contre les personnes et les propriétés publiques ou privées deviennent légitimes ; car ils sont les actes du souverain légitime chargé de pourvoir au salut public.

I

Que chaque peloton jacobin soit dans son canton investi de la dictature locale, selon les Jacobins cela est de droit naturel, et, depuis que l’Assemblée nationale a déclaré la patrie en danger, cela est le droit écrit. « À partir de cette date, » dit leur journal le plus répandu[2], et par le seul fait de cette déclaration, « le peuple de France est assemblé, insurgé… Il est ressaisi de l’autorité souveraine ». Ses magistrats, ses députés, toutes les autorités constituées rentrent dans le néant qui est leur essence. Représentants temporaires et révocables, « vous n’êtes plus que les présidents du

  1. Guillon de Montléon, I, 122. Lettre de Laussel aux Jacobins de Lyon, datée de Paris, 28 août 1792 : « Dites-moi combien on a coupé de têtes chez nous ; ce serait une infamie d’avoir laissé échapper nos ennemis. »
  2. Les Révolutions de Paris, par Prudhomme, tome XIII, 59-63 (14 juillet 1792).


  la révolution. iv.
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