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LA RÉVOLUTION


10 septembre, « non comme ministre de la justice, mais comme ministre du peuple, » félicitera et remerciera les égorgeurs de Versailles[1]. — Depuis le 10 août, par Billaud-Varennes, son ancien secrétaire, par Fabre d’Églantine, son secrétaire du sceau, par Tallien, secrétaire de la Commune et son plus intime affidé, il est présent à toutes les délibérations de l’Hôtel de Ville, et, à la dernière heure, il a soin de mettre au comité de surveillance un homme à lui, le chef de bureau Deforgues[2]. — Non seulement la machine à faucher a été construite sous ses yeux et avec son assentiment, mais encore, au moment où elle entre en branle, il en garde en main la poignée pour en diriger la faux.

Il a raison : si parfois il n’enrayait pas, elle se briserait par son propre jeu. Introduit dans le comité comme professeur de saignée politique, Marat, avec la raideur de l’idée fixe, tranchait à fond au delà de la ligne prescrite ; déjà des mandats d’arrêt étaient lancés contre trente députés, on fouillait les papiers de Brissot, l’hôtel de Roland était cerné, Duport, empoigné dans un département voisin, arrivait dans la boucherie. Celui-ci est le

  1. Mortimer-Ternaux, III, 391, 398. — Averti par Alquier, président du tribunal criminel de Versailles, du danger que couraient les prisonniers d’Orléans, Danton lui dit : « Que vous importe ? L’affaire de ces gens-là ne vous regarde pas. Remplissez vos fonctions et ne vous mêlez pas d’autre chose. — Mais, monsieur, les lois ordonnent de veiller à la sûreté des prisonniers. — Que vous importe ? Il y a parmi eux de bien grands coupables ; on ne sait pas encore de quel œil le peuple les verra et jusqu’où peut aller son indignation. » — Alquier voulut insister, mais Danton lui tourna le dos.
  2. Ib., III, 217.