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LA RÉVOLUTION


moment il pourra figurer parmi les ordonnateurs subalternes. — L’entrepreneur en chef[1] est d’une autre espèce et d’une autre taille, Danton, un vrai conducteur d’hommes : par son passé et sa place, par son cynisme populacier, ses façons et son langage, par ses facultés d’initiative et de commandement, par la force intempérante de sa structure corporelle et mentale, par l’ascendant physique de sa volonté débordante et absorbante, il est approprié d’avance à son terrible office. — Seul de la Commune, il est devenu ministre, et il n’y a que lui pour abriter l’attentat municipal sous le patronage ou sous l’inertie de l’autorité centrale. — Seul de la Commune et du ministère, il est capable d’imprimer l’impulsion et de coordonner l’action dans le pêle-mêle du chaos révolutionnaire ; maintenant, au conseil des ministres, comme auparavant à l’Hôtel de Ville, c’est lui qui gouverne. Dans la bagarre continue des discussions incohérentes[2], à travers « les propositions ex abrupto, les cris, les jurements, les allées et venues des pétitionnaires interlocuteurs », on le voit maîtriser ses nouveaux collègues par « sa voix de Stentor, par ses

  1. Lettres autographes de Mme Roland, publiées par Mme Bancal des Issarts, 9 septembre au soir : « Danton conduit tout : Robespierre est son mannequin ; Marat tient sa torche, et son poignard. »
  2. Mme Roland, Mémoires, II, 19 (note de Roland). — Ib., 21, 23, 24. Mot de Monge : « C’est Danton qui le veut ; si je refuse, il me dénoncera à la Commune, aux Cordeliers, et me fera pendre. » — La commission de Fournier à Orléans était en règle, et Roland l’avait signée probablement par surprise, comme celles des commissaires envoyés dans les départements par le conseil exécutif. (Cf. Mortimer-Ternaux, III, 368.}