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LA RÉVOLUTION


de 1791 jusqu’à la réquisition de 1793, et ceux-ci combattent, non seulement pour la France, mais encore et surtout pour la révolution. — Car, à présent que l’épée est tirée, l’exaspération mutuelle et croissante n’a laissé debout que les partis extrêmes. Depuis le 10 août et surtout depuis le 21 janvier, il ne s’agit plus de traiter avec l’ancien régime, d’en élaguer les portions mortes ou les épines blessantes, de l’accommoder aux besoins modernes, d’établir l’égalité civile, la monarchie tempérée, le gouvernement parlementaire. Il s’agit de ne pas subir la conquête à main armée, les exécutions militaires de Brunswick[1], la vengeance des émigrés proscrits, la restauration et l’aggravation de l’ancien ordre féodal et fiscal. Cet ordre ancien, la grosse masse rurale le hait, par expérience et tradition, de toute la haine accumulée que peut enfanter une spoliation incessante et séculaire ; à aucun prix, elle ne souffrira le retour du collecteur, du rat-de-cave et du gabelou, et, pour elle, l’ancien régime n’est que cela ; car, depuis la

    nemi du dehors. Enfin la troisième, qui est la plus nombreuse, est composée partie de séditieux, partie d’ouvriers, qui, n’osant se mêler à la révolte, convoitaient la taxe des grains. » — Toulongon, Histoire de France depuis la Révolution, IV, 94 : « Il ne faut pas dégrader une nation en lui supposant des motifs bas et une crainte servile. Ce fut au contraire un instinct relevé de salut public dont chacun se sentit intérieurement pénétré. » — Gouvion-Saint-Cyr, Mémoires, I, 56 : « Un jeune homme aurait rougi de rester dans ses foyers, quand l’indépendance nationale paraissait menacée : chacun abandonna ses études, sa profession. »

  1. Gouvion-Saint-Cyr, I, 56 : « Le manifeste de Brunswick donna à la France plus de cent bataillons, qui, en moins de trois semaines, furent levés, armés et mis en route. »