Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


de membres de la droite qui se lèvent pour les Girondins, la Montagne, accrue des insurgés ou amateurs qui fraternellement siègent avec elle, vote seule et rend enfin le décret, — À présent que la Convention s’est mutilée elle-même, elle est mutée pour toujours, et va devenir une machine de gouvernement au service d’une clique ; la conquête jacobine est achevée, et, sous la main des conquérants, le grand jeu de la guillotine peut commencer.

VIII

Regardons les à ce moment décisif : je ne crois pas qu’en aucun pays ni en aucun siècle on ait vu un tel contraste entre une nation et ses gouvernants. — Par une série d’épurations pratiquées à contre-sens, la faction s’est réduite à sa lie ; du vaste flot soulevé en 1789, il ne lui est demeuré que l’écume et la bourbe ; tout le reste a été rejeté ou s’est écarté, d’abord la haute classe, clergé, noblesse et parlementaires, ensuite la classe moyenne, industriels, négociants et bourgeois, enfin l’élite de la classe inférieure, petits propriétaires, fermiers[1] et artisans-maîtres, bref tous les notables de toute profession, condition, état ou métier, tout ce qui avait un capital, un revenu, un établissement, de l’honorabilité, de la considération, de l’éducation, une culture mentale et morale. Pour composer le parti, il n’y a plus guère, en juin 1793, que les ouvriers instables,

  1. Buchez et Roux, XXVI, 341. Discours de Chasles à la Convention, 2 mai : « Les cultivateurs… sont presque tous aristocrates. »