Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« mets-tu, sur ta tête, que les Vingt-Deux seront livrés dans vingt-quatre heures ? — Non. — En ce cas, je ne réponds de rien. Aux armes, canonniers, à vos pièces ! » Les Canonniers prennent leurs mèches allumées, « la cavalerie tire le sabre, l’infanterie couche en joue les députés[1] ». — Repoussée de ce côté, la malheureuse Convention tourne à gauche, traverse le passage voûté, suit la grande allée du jardin, avance jusqu’au pont tournant pour trouver une issue. Point d’issue : le pont Tournant est levé ; partout la barrière de piques et de baïonnettes reste impénétrable ; on crie autour des députés : « Vive la Montagne ! vive Marat ! À la guillotine Brissot, Vergniaud, Guadet, Gensonné ! Purgez le mauvais sang ! » et la Convention, pareille à un troupeau de moutons, tourne en vain dans son enclos fermé. Alors, pour les faire rentrer au bercail, comme un chien de garde aboyant, de toute la vitesse de ses courtes jambes, Marat accourt, suivi de sa troupe de polissons déguenillés, et crie : « Que les députés fidèles retournent à leur poste ! » Machinalement, la tête basse, ils reviennent ; aussitôt leur salle est fermée et ils y sont consignés de nouveau. Pour collaborer à leurs délibérations, des étrangers de bonne volonté sont entrés pêle-mêle avec eux. Pour surveiller et hâter leur besogne, des sans-culottes, la baïonnette au bout du fusil, gesticulent et menacent du haut des galeries. Au dehors, au dedans, la nécessité, de sa main

  1. Buchez et Roux, XXVII, 44. Compte rendu par Saladin. — Meillan, 59. — Lanjuinais, 308, 310.