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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


Aussitôt, sur la motion de Levasseur, la Montagne, sachant que « sa place sera bien gardée », la quitte et passe au côté droit[1]. Envahi à son tour, le côté droit refuse de délibérer ; Vergniaud demande que « l’Assemblée aille se joindre à la force armée qui est sur la place et se mette sous sa protection » ; il sort avec ses amis, et la majorité décapitée retombe dans ses hésitations ordinaires. Autour d’elle tout est vacarme et bagarre. Dans la salle, les clameurs de la Montagne, des pétitionnaires et des galeries, semblent le mugissement continu d’une tempête. Hors de la salle, vingt ou trente mille hommes vont peut-être s’entre-choquer dans les rues[2] ; le bataillon de la Butte-des-Moulins, avec des détachements envoyés par les sections voisines, s’est retranché dans le Palais-Royal, et Henriot, criant partout que les riches sections du centre ont arboré la cocarde blanche, envoie contre elles les sans-culottes des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau ; des deux côtés, les canons sont braqués. — Il ne faut pas mettre le feu à ces canons chargés, il ne faut pas donner le signal de la guerre civile, il faut « prévenir les suites d’un mouve-

  1. Buchez et Roux, XXVII, 347, 348. — Mortimer-Ternaux, VII, 350, troisième dépêche des délégués de l’Hôtel de Ville, présents à la séance : « L’Assemblée nationale n’a pu parvenir à prendre les grandes mesures ci-dessus… qu’après que les perturbateurs de l’Assemblée, connus sous la dénomination de côté droit, se sont rendu assez de justice pour voir qu’ils n’étaient pas dignes d’y participer, et ont évacué l’Assemblée après de grands gestes et les imprécations dont vous les savez susceptibles. »
  2. Dauban, la Démagogie en 1793. — Diurnal de Beaulieu, 31 mai. — Déclaration de Henriot, 4 germinal, an III. — Buchez et Roux, XXVIII, 351.