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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE

«  dont la mort sauverait la république », et l’acte est licite ; il verrait « périr à côté d’eux tous les coquins du côté noir, sans s’opposer à leur destruction ». — Plusieurs, au lieu de vingt-deux députés, en demandent trente ou trente-deux, et quelques-uns trois cents ; on y adjoindra les suspects de chaque section, et dix ou douze listes de proscrits sont déjà faites. Par une rafle générale, exécutée la même nuit, à la même heure, on les conduira aux Carmes près du Luxembourg, et, « si le local est insuffisant, » à Bicêtre ; là « on les fera disparaître de la surface du globe[1] ». Certains meneurs

  1. Mêmes projets d’extermination par les Jacobins à Lyon. (Guillon de Montléon, I, 248.) Châlier disait au Club : « Trois cents têtes marquées ne nous manqueront pas. Allons nous emparer des membres du département, des présidents et des secrétaires des sections ; faisons-en un faisceau que nous mettrons sous la guillotine, et nous nous laverons les mains dans leur sang. » Là-dessus, dans la nuit du 28 au 29 mai, la municipalité révolutionnaire s’empare de l’arsenal et garnit de canons l’Hôtel de ville. Mais les sections de Lyon, plus énergiques que celles de Paris, prennent les armes, et, après un combat terrible, s’emparent de l’Hôtel de ville. — La différence morale des deux partis est très bien marquée dans les lettres de Gonchon. (Archives nationales, AF, II, 43. Lettres de Gonchon à Garat, 31 mai, 1er et 3 juin) : « Rassurez bien la Convention ; qu’elle n’ait aucune crainte. Les citoyens de Lyon se sont couverts de gloire ; ils ont montré le plus grand courage dans tous les combats qui ont eu lieu dans les différents quartiers de la ville, et la plus grande générosité envers leurs ennemis qui se sont conduits comme des scélérats. » — La municipalité avait envoyé un trompette avec drapeau comme pour parlementer, puis, tout d’un coup, en trahison, avait foudroyé de ses canons la colonne des sectionnaires et jeté les blessés dans la rivière : « Les citoyens de Lyon qu’on a tant calomniés auront donné les premiers l’exemple du caractère d’un vrai républicain ; parcourez l’histoire des révolutions et trouvez-moi un exemple pareil : étant victorieux, ne pas faire répandre une goutte de sang. » Ils ont soigné les blessés, sous-