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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« nous restons isolés avec nos vertus et nos talents. Mais prenez-y garde. Si, manquant à la reconnaissance, vous osiez attenter à nos personnes sacrées, nous trouverions des vengeurs dans les départements. — Eh, que nous importe ce que pourront faire les départements déchaînés l’un contre l’autre, lorsque vous ne serez plus ? » — Rien de plus exact que ce résumé ni de mieux fondé que cette prédiction. Désormais, et en vertu des décrets de la Convention elle-même, les Jacobins ont non seulement le pouvoir exécutif tout entier, tel qu’on le rencontre dans les pays civilisés, mais aussi le pouvoir discrétionnaire du tyran antique ou du pacha moderne, cette main-forte arbitraire qui, choisissant l’individu, s’abat sur lui pour lui prendre ses armes, sa liberté et son argent. À partir du 28 mars, on voit recommencer à Paris le régime qui, institué le 10 août, s’est achevé par le 2 septembre. Dès le matin, le rappel est battu ; à midi, les barrières sont fermées, les ponts et les passages interceptés, un factionnaire est au coin de chaque rue, nul ne peut « sortir des limites de sa section » ; nul ne peut circuler dans sa section sans montrer sa carte de civisme ; les maisons sont investies, nombre de personnes sont arrêtées[1], et, pendant les deux mois qui suivent, l’opération se poursuit sous l’arbitraire des comités de surveillance. Or, dans presque toutes les sections, « ce sont des sans-culottes qui remplissent le comité »,

  1. Buchez et Roux, XXV, 157. — Archives nationales, F7, 3294, section de la Réunion, procès-verbal du 28 mars.