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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


chaque grande ville, lève une armée de sans-culottes salariés « pour tenir les aristocrates sous leurs piques[1] » ; enfin, par le décret qui, instituant le Comité de Salut public[2], fabrique un moteur central pour manœuvrer à toute vitesse toutes ces faux tranchantes à travers les fortunes et les vies. — À ces engins de destruction générale, elle en ajoute un, spécial, contre elle-même. Non seulement elle fournit à ses rivaux de la Commune les millions dont ils ont besoin pour solder leurs bandes ; non seulement elle avance, sous forme de prêt, aux diverses sections[3] les centaines de mille francs dont elles ont besoin pour abreuver leurs aboyeurs ; mais encore, dans les derniers jours de mars, juste au moment où elle vient d’échapper par hasard à la première invasion jacobine, elle fait élire dans chaque section un comité de surveillance, elle l’autorise à faire des visites domiciliaires et à désarmer les suspects[4] ; elle tolère qu’il fasse des arrestations et qu’il impose des taxes nominatives ; elle ordonne, pour lui faciliter ses opérations, que la liste de tous les habitants de chaque maison, « avec leurs noms, prénoms, surnoms, âges et professions », soit affichée sur la porte et bien lisible[5] » ; elle lui en fait délivrer copie, elle la soumet à son contrôle. Pour achever, elle s’y soumet elle-même, et, « sans avoir

  1. Décret du 5-7 avril. Paroles de Danton au cours de la discussion.
  2. Décret du 6-11 avril.
  3. Décrets des 13, 16, 22, 23, 24, 25, 26, 29 mai et 1er juin.
  4. Décret du 21-23 mars, et du 26-30 mars.
  5. Décret du 29-31 mars.