Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.
199
LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


À la porte de la salle, on annonce à Charles Villette que « s’il ne vote pas la mort du roi, il sera massacré ». — Et ce ne sont pas là des menaces en l’air. Le 10 mars, en attendant l’émeute promise, « les tribunes averties… armaient déjà leurs pistolets[1] », Au mois de mai, les femmes déguenillées et payées qui, sous le nom « de Dames de la Fraternité », se sont formées en club, viennent tous les jours, dès le matin, monter la garde en armes dans les couloirs de la Convention ; elles déchirent les billets donnés à ceux ou à celles qui ne sont pas de leur bande ; elles accaparent toutes les places ; elles montrent des pistolets et des poignards, et disent « qu’il faut faire sauter dix-huit cents têtes, pour que tout aille bien[2] ».

Derrière ces deux premières lignes d’assaillants, il en est une troisième, bien plus épaisse, d’autant plus effrayante qu’elle est obscure et indéfinie, je veux dire la multitude vague de la séquelle anarchiste, éparse dans tout Paris et toujours prête à renouveler contre la majorité récalcitrante le 10 août et le 2 septembre. De la Commune, des Jacobins, des Cordeliers, de l’Évêché, des assemblées de section, des groupes qui stationnent

    bérer ici dans une Convention libre ; mais c’est sous les poignards et les canons des factieux. » — Moniteur, XV, 180 séance du 16 janvier. Discours de N., député, prononcé à la demande de Charles de Villette.

  1. Meillan, 24.
  2. Archives nationales, AF, II, 45. Rapports de police des 16, 18 et 19 mai. « On craint au premier jour quelque scène sanglante. » Buchez et Roux, XXVII, 125. Rapport de Gamon, inspecteur de la salle de la Convention.