Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
181
LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« n’aiment Marat, Robespierre, qu’autant que ceux-ci leur diront : Tuons, dépouillons, » et, sitôt que le meneur du jour ne sera plus dans le courant du jour, ils le briseront comme un obstacle ou le rejetteront comme une épave. — Jugez s’ils consentiront à s’empêtrer dans les toiles d’araignée que leur oppose la Gironde. En face de la Constitution métaphysique qu’on leur prépare, ils ont dans la tête une constitution toute faite, simple par excellence, adaptée à leur capacité et à leurs instincts. Rappelez-vous un de leurs coryphées que nous avons déjà rencontré, M. Saule, « gros petit vieux tout rabougri, toute sa vie ivrogne, jadis tapissier, puis colporteur charlatan, aux boîtes de 4 sous garnies de graisse de pendu pour guérir les maux de reins[1] », ensuite chef de claque dans les galeries de la Constituante et chassé de là pour friponnerie, réintégré sous la Législative, et, par la protection d’un palefrenier de la cour, gratifié d’un emplacement à la porte de l’Assemblée pour y établir un café patriotique, par suite honoré d’une récompense de 600 livres, pourvu d’un logement national, nommé inspecteur des tribunes, devenu régulateur de l’esprit public, et maintenant « l’un des enragés de la Halle au Blé ». Un pareil homme est un type, le spécimen moyen du parti, non seulement par son éducation, son caractère et sa conduite, mais encore par ses ambitions, ses principes, sa logique, et ses succès. « Il a juré, de faire sa fortune, et il l’a faite. Il a constamment crié qu’il fallait abattre

  1. Schmidt, I, 215 (Dutard, 23 mai).