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LA RÉVOLUTION


« de qui ? Le croiriez-vous ? De modérés, d’aristocrates, de propriétaires, de fort jolies petites femmes bien ajustées s’y faisant caresser par le zéphyr printanier. Ce coup d’œil était charmant ; tout le monde riait ; il n’y avait que moi qui ne riais pas… Je me retire précipitamment, et, en passant par le jardin des Tuileries, j’y trouve le duplicata de ce que j’avais vu, quarante mille propriétaires dispersés çà et là, presque autant que Paris en contient. » — Manifestement, ce sont des moutons prêts pour la boucherie. Ils ont renoncé à se défendre, ils ont abandonné toutes les places aux sans-culottes, « ils refusent toutes les fonctions civiles et militaires[1], » ils se dérobent au service de la garde nationale, ils payent des remplaçants. Bref ils se retirent d’un jeu qu’en 1789 ils ont voulu jouer sans le connaître et où, depuis la fin de 1791, ils se sont toujours brûlé les doigts. À d’autres les cartes, surtout depuis que les cartes sont sales, et que les joueurs se les jettent au visage ; pour eux, ils sont la galerie, et ne veulent pas être autre chose. — « Qu’on leur laisse leurs anciens plaisirs[2] ; qu’on ne les prive pas de l’agrément d’aller, de venir, dans l’intérieur du royaume ; qu’on ne les force pas d’aller à la guerre. Dût-on les assujettir aux contributions les plus fortes, ils ne feront pas le moindre

    publiées dans les premières années de la Révolution et sous le Directoire, on peut revoir la scène complète (Cabinet des Estampes}.

  1. Moniteur, XV. 67, séance du 5 janvier 1793. Discours du maire de Paris.
  2. Schmidt, I, 378 (Blanc, 12 juin}.